Une partie de pêche ?

Une belle après-midi s'annonçait. Les rayons du soleil illuminaient la forêt, moi qui m'était échappée du camp pour ce qu'on pourrait appeler une promenade. Je voulais avant tout profiter de ce temps, les couches de neige n'étaient plus là, et la source de chaleur revenait. La forêt redevenait verte, accompagnée de ses fleurs, de ses fruits, mais surtout du printemps. Le printemps est une saison que j'aimais beaucoup. Je vous raconterais pourquoi plus tard. Je me baladais sans me soucier de ce que je faisais, inspectant les environs pour voir si aucun loup ennemi ne se baladait par ici. Les seules odeurs que ma truffe percevait étaient celles des nouvelles pousses : baies, roses, tulipes, lys ou encore marrons revenaient par ici. Sur mon chemin, je croisais des proies. Je n'étais pas née pour chasser même si je savais sûrement le faire. Seulement, comme je n'avais pas été entraînée pour ça, je ne me risquais pas ; en plus, cette proie était loin, c'est ma vue presque exceptionnelle qui m'avait permit de l'apercevoir. Là, j'entendis l'eau qui se mélangeait aux roches, les heurtant vagues après vagues. C'était des vagues légères mais assez bruyantes pour que le doux son me parvienne aux oreilles. Je m'approchais, observant les reflets bleutés que le ciel donnait à l'eau. J'observais et vis alors une louve. Mon réflexe était d'humer l'air, pour déceler l'odeur de la meute à laquelle elle appartenait. Je ne la voyais pas très bien, difficile de me fier à mon regard. Ce que j'humais, c'était juste l'odeur de ma meute, celle de la Terre. Cette terre qui reprenait de la vie, je sentais cette source d'énergie à travers le sol, mes pattes les ressentait comme le reste de mon corps.
Je vais vous parler du printemps, donc. Ou plutôt de la vie. Celle que le printemps donne à la nature chaque année, non, je ne vous parlerais pas de celle-là, mais de la vie, en général.

La vie est une chose qui fait souffrir. C'est un cercle vicieux. Personne ne décide de vivre et personne ne décide de son avenir. Non, tout ça, c'est le hasard qui le fait. La vie, c'est quelque chose qui peut être très beau comme très moche. Elle peut vous apporter le bonheur comme le malheur, la joie comme la tristesse. Mais la vie, c'est une flamme brûlant en vous chaque jour, et qui ne s'éteindra qu'à un moment précis. Un moment, oui, mais lequel ? Vous ne le saurez jamais. Non, car se suicider serait avouer que la vie vous a vaincu. Qu'elle est plus forte que votre être, alors qu'elle ne fait que vous détruire ou vous faire plaisir, cela dépend de votre chance. Après tout, la chance, on ne l'a pas comme on la veut, alors l'avenir, notre vie, c'est la preuve que tout ça, c'est le hasard qui le fait. Ces paroles peuvent ne rimer à rien mais la vie ne rime à rien non plus. Elle est une chose qu'on nous donne et qu'on peut regretter mais en tout cas, la vie, c'est compliqué. On nous la donne en sachant les souffrances qu'on peut endurer, comme si ce fardeau nous était donné. C'est dur, très dur. La vie se finit toujours mal, car on finit par mourir. Toujours. Il n'y a pas d'exception. Parfois, on meurt dans t'atroces souffrances, comme si la vie ne nous en donnait pas assez. Parfois, on meurt comme on a vécu. Parfois, on meurt naturellement et parfois on meurt au combat. On finit tous par mourir, quoiqu'il en soit.

La mort, elle, peut être considérée comme une damnation ou comme une chance à saisir. C'est parfois mieux pour nous, parfois injuste. C'est souvent injuste mais on ne peut pas décider non plus. C'est aussi difficile que la vie mais c'est toujours mieux, enfin ... ça dépend, en fait. On peut aller dans un monde merveilleux, qu'on appelle "Paradis". Les souffrances disparaissent et toutes nos bonnes actions sont récompensées. C'est le repos éternel. Il est agréable, on est sur un nuage. On peut aussi aller dans un endroit horrible qu'on appelle "Enfer". C'est les démons qui y vont, les âmes cruelles, les âmes ayant fait des mauvaises actions, sans le regretter. Les âmes qui ont été obligées à faire les mauvaises actions sont jugées par on ne sait quel moyen. Dans tous les cas, la souffrance éternelle, c'est en Enfer. On m'a raconté qu'un loup aurait été condamné à se faire arracher le cœur chaque jour dans d'atroces souffrances par des aigles, ou des faucons parfois. Ils picorent les autres organes, picorent le cœur et l'emportent dans leur bec, s'en servant de nourriture. Mais comme il est mort et est condamné à y habiter pour l'éternité, son cœur repousse. Il souffre chaque jour, sans solution. On m'a aussi raconté qu'un loup devait lui amener une chèvre au sommet d'une montagne infernale sans jamais la manger ni même baver devant. Il devait juste l'accompagner, et même s'il ne pouvait rien manger, vu le désert qu'était cette montagne, il ne devait même pas y songer. Sinon, la chèvre se transformait en géant et le massacrerait. La mort est synonyme de bonheur parfois, de souffrance parfois. Dans le fond, pourquoi je vous raconte ça ? Enfin bon.

Je parle de la mort et là, j'aperçois un poisson sortir de l'eau, entraîné par la patte de la louve. Pour éviter qu'il ne souffre, cette dernière l'acheva avec un coup de crocs. Cette truite ne souffrait plus, maintenant. Elle servirait de nourriture, telle est la nature. Je m'approchais silencieusement et y reconnu Libellule. J'aimais bien cette louve, bien que je n'ai pas eu beaucoup d'occasions pour lui parler. J'allais saisir celle-ci sans trop attendre. Alors j'avançais clopin-clopan, et une fois arrivée derrière elle, pour ne pas l'effrayer, j'appuya ma patte sur une touffe d'herbe qui craquela. C'est d'instinct que Libellule se retourna, griffes à l'air. Lorsqu'elle me reconnu, enfin, je pense que c'était pour ça, elle rentra ses griffes et ses crocs. Son grognement cessa et dans son regard, j'avais l'impression de lire une sorte de « Tu m'as fait peur ! ». Je souriais un peu bêtement mais bon.

« Coucou ! Désolée si je t'ai fait peur. Ce n'était pas mon intention. Comment vas-tu, sinon ? »

Je n'avais pas de sentiment particulier à ce moment là. Auparavant, j'étais juste assurée et en confiance, accordée avec la nature. Là, j'étais détendue, plus ou moins. Rien de plus ni de moins.